jeudi 3 janvier 2019

Retour sur la scène Ska et Reggae française de la fin des 90’s-début des 00’s (Plock pour les copier/coller)


Si tous les groupes et mouvements plus ou moins marquants des ces dernières décennies ont eu droit à leurs vagues de revival, on remarque que les formations françaises de ska et reggae pourtant omniprésentes à l’époque rendent, a priori, assez peu nostalgiques…Difficile de trouver un magazine, un webzine, un reportage sur youtube et encore moins un livre pour retracer leur épopée…Pourtant La Ruda Salska, Marcel et son Orchestre, Kargol’s, Les Ejectés et autres La Rue Ketanou auront pendant une décennie pré-internet rempli les salles et festivals français…
Les membres de XSilence sont revenus sur une époque où, lycéens pour la plupart, ils ont vécu (souvent douloureusement) le phénomène de près…au milieu de camarades de classes en sarouels. Extraits choisis issus d’une discussion sur le forum avec Arno Vice, Machete83, Blackcondorguy, Zebulon, OLiver, Kozmik, Ismael Jünger, Pascha, LaEscoba et Plock.

Pourquoi on entend quasiment plus parler de cette scène ? Le style a si mal vieilli que ça ?
 
Kozmik : Il me semble que ce genre de musique n'a pas complétement disparu. Sur ces 4 dernières années, je me suis rendu par 3 fois au festival Zikenstock, ça se passe du coté de Cambrais et c'est un festival Punk rock/Reggae/ska pas cher et qui ramène environ 1000 personnes par jour. J’ai dû subir par 2 fois un groupe dont j'aurais aimé ne jamais avoir entendu parler. Ils s'appellent "Los Tres Puntos". Le groupe a à chaque fois fait un tabac monstrueux (ça danse sur les 30 premier rangs). Ils ont eu plus de succès que les valeurs sûres dont le talent n'est plus à prouver pourtant (Buzzcoks, Toots & the Maytals, The Selecter, Stiff Little fingers...). Ils cumulent pourtant tous les poncifs du genre. Discours altermondialiste désuet, poussée de cuivres systématique, accordéon musette et que je te fais monter tout le monde sur la scène ...et le public en redemande.



OLivier : Déjà le coup du Rasta man franchouillard, bof quoi ! Et c'est un grand amateur de Reggae et Dub old school qui vous parle…n'est pas Bob Marley qui veut !

Plock : Alors j'ai enquêté et en fait la Rue Ketanou s'est reformée en 2018 pour fêter ses 20 ans, Marcel et son orchestre a fait une pause il y a quelques années mais ils se sont aussi reformés et font toujours des concerts qui attirent un public fidèle, La Ruda Salka a sorti il y a peu un album live et se sont séparés seulement en 2012, etc. En vrai ils ont toujours un public et des festivals estivaux principalement sont encore prêts à les accueillir pour le côté festif, populaire, etc.…En fait sans vouloir être méprisant (mais ça ne peut que l'être dans la forme...) je pense que c'est une musique qui correspond bien à une certaine population de 20 à 50 ans, plutôt rurale, plutôt à gauche, pas très férus de zik...et qui fume des pétards ; pas mal de gens quoi ! 



Arno Vice : C'était un phénomène de mode pas foutu de survivre à l'hiver, le principe même de cette musique étant de faire danser les festivaliers estivaux. Je n’ai pas souvenir d'avoir jamais vu un truc de ska/reggae en hiver. Ensuite, c'est musicalement et textuellement très limité, on en fait le tour en un album. C'était déjà lassant sur scène où les mecs n'en finissaient pas de faire des rappels, des boeufs, et de faire traîner chaque titre en orgie de cuivre et de "hep ! hep ! tout le monde, tout le monde !" mais sur cd à écouter chez soi ça devient de la torture. Sans compter que même au niveau des idées politique notamment, les mecs qui ont aujourd'hui une cinquantaine d'années ont la même absence de profondeur de réflexion qu'à 20 ans, à la différence d'un Lofofora par exemple.

Machete83 : Il s’agissait à priori à l’époque d’un micro phénomène, présent dans tous les lycées ruraux (j'en ai fait plusieurs, la même à chaque fois, pour les vrais citadins était-ce pareil ?). Ce n'est peut-être pas une réponse mais était-ce une génération d'ados enfants de Soixante-Huitards, qui a voulu reproduire quelque chose du même genre 30 ans plus tard ? Il y en avait en effet quelques-uns dans mon lycée.

Zebulon : C'est juste que ce n'est plus du tout tendance, le côté "anarchiste en sarouel", qui balance (gentiment) sur la société de consommation, le FN...Ce qui cartonne aujourd’hui auprès des jeunes, en musique d'expression française, c'est le rap et ses dérivés plus ou moins bâtards... (Y'a sûrement du bon dedans, je n’y connais rien)

Ismael Jünger : Tu grandis, mûris, prends des douches et arrêtes le shit, et tout un genre musical s'évanouit.  Je me faisais la réflexion en regardant un clip de Limp Bizkit ("Rollin'") : comment des gens ont pu trouver que ce mec en baggy 4XL, casquette de baseball et bouc taillé incarnait à un moment donné le summum du cool ? L'adolescence est un âge à risque, trop d'hormones et d'alcool ou de mauvais chichon peuvent altérer le jugement. Et tu prends des vessies pour des lanternes.

Plock : Les anglais se sont réappropriés le ska et le reggae jamaïcain dès la fin des années 70 avec The Clash, Madness ou The Specials… avec comme d’habitude 20 ans de retard, nous on débarque avec La Ruda Salska et les Ejectés ! C’était plié dès le départ cette histoire !



Blackcondorguy : Je pense que le genre a disparu pour deux raisons principales. D'une, parce que les gens qui en écoutaient à l'époque ont grandi et ont arrêté de fumer du shit. De deux, parce qu'aujourd'hui chez les jeunes de classe moyenne on affirme plus facilement sa différence en étant de droite (jeunesse sarkoziste à la fin des années 2000 puis conspirationnisme dieudo-soralien ou macronisme, c'est génial, y en a pour tous les gouts) bref, pas trop enclin à aller faire des manifs en sarouel en faisant du diabolo et écoutant sinsemilia.

Arno Vice : Comme toutes les musiques superficielles, ça vieillit mal. Le jazz, le blues, la bonne musique psyché des 70's, les très bons groupes New Wave des 80's, ça ce sont des trucs qui tiennent la route parce qu'il y a du fond, une motivation. Le principe du ska à la française, c'est de faire la fête, de pas se laver les dents et de revendiquer anti-raciste : ça ne pisse pas loin. Et à part les quelques rares qui ont vécu le truc à fond et viré punk à chiens, la majorité du public est aujourd'hui bien rangée. S'ils se rendent au concert, c'est par nostalgie du jeune un peu bébête qu'ils étaient. A titre personnel, je n'ai jamais aimé cette musique.

Plock : Il faut respecter ces groupes pour au moins un truc…S’ils ont tenu et ont trouvé leurs publics ils ne le doivent qu’à eux ! Ils n'avaient pratiquement aucune exposition médiatique à l’époque ! Télé, radio, journaux personne ne voulait parler d'eux ! Ils se sont démerdés seuls. Parallèlement à ça, contrairement à ce qu'on a tendance à dire, les groupes indie rock chantant en anglais par exemple, à la même époque étaient beaucoup plus exposés et visibles que ce qu'on peut croire aujourd'hui ! Sloy, Les Thugs, Portobello Bones, Burning Heads and co' ils passaient sur France Inter, Canal plus, avaient des articles dans les quotidiens nationaux, etc. mais ils n'ont pas aussi bien marché !

Musicalement parlant ça valait quoi ?

Blackcondorguy : On m'a trainé une fois à un concert de la Rue Ketanou j'ai failli tuer des gens.
Pourtant les mecs n'étaient pas mauvais instrumentalement, souvent ils maitrisaient assez bien la pompe et les solos de guitare jazz manouche, ce qui techniquement n'est pas évident, mais c'était sans aucune originalité, complètement indigeste et ça l'est toujours (surtout avec leurs paroles à la con "nique le fn on va fumer des pétards")
 
Pascha : Je ne garde pas un mauvais souvenir du concert de Les Ejectés, mais en général, la musique ska ou reggae, festive ou non avec ses poussées de cuivres systématiques, m'a souvent gonflé, musique quelquefois liée avec des souvenirs de chambrées où se mélangeaient des odeurs de chichon et de chaussettes pas lavées, avec quelques relents de bière. Je n'ai jamais fumé de joint. 

Plock : j'ai réécouté certains trucs et tout ne m'a pas donné de l'urticaire. Je retiens les Marcel et son orchestre et Spook and the Guay comme des groupes encore à peu près écoutables et surtout j'ai des souvenirs de concerts phénoménaux de ces formations, des vrais bêtes de scène...Par contre La Ruda et Les Kargol's par exemple à l'époque je trouvais ça trop bourrin, sans finesse...et c'est encore le cas aujourd'hui…



Arno Vice : A la base, ce n'est pas une musique complexe d'un point de vue technique, c'est surtout selon moi une question de rythme, de feeling et de swing. Tu peux être bon techniquement et n'avoir aucun feeling et l'inverse est aussi vrai. La majorité des groupes évoqués n'ont ni l'un ni l'autre. Sous prétexte qu'ils ont des dreads, un sax dans le groupe et des passages au djembé, ils pensent que ça fait la rue Michel, on est loin du compte. Et puis c'est quoi cet accent que se sentent obligés de prendre les chanteurs ? Ce truc nasillard ?

Comment vous avez vécu le phénomène à l’époque ? 

Machete83 : J'ai été au lycée entre 1998 et 2001, et durant ces années, j'ai souffert. J'ai souffert car la plupart des gens de ma classe ont écouté ces groupes. J’étais en L, vivier important de ce genre de personnes. J'ai appris à souffrir. Ces personnes se fondaient avec les fans de Néo-Métal, mais j'ai aussi vu des afficionados de Sonic Youth traîner avec eux (mais c'était pour pécho). En effet, la plupart des filles versaient dans ce genre. Moi et mes amis, fans de New Wave (on ne disait pas encore Post Punk) et de Grunge, il était donc difficile de s'intégrer et de...enfin, vous voyez quoi. Nos jeans troués et notre humeur saturnienne n'attiraient pas forcément. Il nous a fallu pourtant suivre ces gens heureux, pour fréquenter la gente féminine et trouver aussi certaines substances le Week-end.
Hors lycée, nous les trouvions dans les salles des fêtes le samedi soirs, où étaient organisées des "Discos". Les titres qu'ils passaient faisaient fureur. Nous étions pourtant tolérants, mais c'était insupportable. Le mardi, entre midi et deux ils avaient crée un atelier jonglage: ils se regroupaient, envisageaient certainement les moyens de leur reproduction le vendredi soir suivant. J'ai failli y laisser des copains. Nous on avait ouvert un club art le même jour, pour exprimer notre voyage aux confins du néant psychotique. On était 4, voire 5 si un copain avait pitié de nous. Ils étaient une trentaine. J'ai jamais compris. Depuis, je surnomme chaque exemplaire masculin de ce groupe un "Lionel». Les filles adoraient les "Lionels". Les Lionels, ils emmenaient les filles au Parc et faisaient du Djembé. Elles riaient, trouvaient ça cool. On n’a jamais compris non plus, alors que nous avions notre charme austère pour nous.

LaEscoba : Début des années 2000, ma période lycée et étudiante, beaucoup de gens écoutaient ça. Période où je façonnais mes goûts, j'ai écouté un peu La Ruda et forcément ce qui me plaisait, c'était leurs morceaux plus rock sur le dernier album. Mais bon quand j'y repense, j'écoutais surtout du punk et ça n’intéressait pas grand monde. Les gens de mon entourage préféraient le métal. Moi il me fallait du rapide. Je me rappelle la première fois que j'ai entendu Back In Black, j'ai trouvé ça mou... Mais je digresse !

OLivier : J'ai assisté à plusieurs concerts à l'époque (De mémoire, Les Beautés Vulgaires, Raymonde et les Blancs Becs, La Ruda Salska, Spook And The Guay...) j'ai passé de bons moments, mais clairement, et sans honte, c'était pour fumer des gros joints et boire de la bière avant tout avec mes potes.

Arno Vice : Je passais pour le type qui ne savait pas s'amuser parce que je ne levais pas les genoux et que je n'arborais pas un sourire béat lors de ces festivités. Je me forçais pour passer la soirée avec mes potes mais j'aurais mieux fait de changer de potes en fait, comme tout le monde trouvait ça génial, je me disais que je devais avoir un problème

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