Hey you, it's just another
bombtrack...yeah"
Ça commence comme ça, direct.
Christophe Levaux
est professeur de musicologie dans une université en Belgique, il est également
romancier, en solo, ou en duo avec sa sœur, il est né en 1982. Il n'avait que
10 ans quand cet album est sorti. C'est peut-être important. Il a certainement
découvert cet album comme moi j'ai découvert les Joy Division ou les Clash,
c'est à dire après, quand c'était déjà passé. Une découverte un peu guidée,
orientée, en groupe avec des potes. Alors que j'ai découvert RATM à la
radio, Ouï FM certainement, fin 1992, début 1993.
Quand cet album est sorti, il m'a fait, comme à beaucoup, l'effet d'un gros uppercut. D'un coup quelque chose sortait du black-out Nirvana.
Ça ne ressemblait pas tout à fait à ce que j'écoutais à l'époque, ça ne ressemblait à rien d'existant. Du rap, du métal, du funk, du hard-core...de la musique...
Pour commencer, Christophe Levaux
replace rapidement la naissance du groupe dans le contexte socio-historique du
début des années 90, aux USA, sur la côte ouest. La naissance du groupe :
« Cherche chanteur socialiste pour un groupe de métal dans le style de Public
Enemy ». Tel est le texte de l'annonce par Tom Morello
auquel répondra Zack de La Rocha. Ce qui est la définition fondamentale
du groupe.
Ce premier album, sort en cd, cassette et
vinyl chez Epic, pas vraiment un label indépendant. La production et le mixage
sont assurés par une paire de gars ayant travaillés avec les Red Hot Chili
Peppers, Nirvana, Sepultura, etc, au studio Sound City,
poids lourd parmi ceux de Los Angeles.
On pose le disque sur la face A.
"Bombtrack" d'entrée. Christophe
Levaux nous explique, exemple à l'appui, comment RATM réussit enfin
la fusion du rap et du metal quand d'autres n'ont réussi qu'un collage :
le mur sonore de Metallica ajouté à la virulence des textes de Public
Enemy. Le résultat est la parfaite coordination entre le chant de Zack
de La Rocha et la musique du trio, la Protest Song parfaite.
"Take The Power Back" : mon
morceau préféré, déjà le titre est un vrai programme, la basse de Timmy C.
est redoutable. Ce morceau est emblématique de l'album : la cohésion entre
le phrasé duchant et la musique est totale, la puissance est dévastatrice comme
pour le titre précédent : "Killing In The Name". Sur ce titre,
l'auteur s'adresse surtout aux musiciens, on discute technique, pour ma part je
suis perdu.
Le morceau suivant est différent à la fois
muscialement mais aussi dans les textes. Les paroles, au lieu d'être politiques
sont plus personnelles, la musique est beaucoup plus proche du metal, avec un
solo jazz par Tom Morello. Ce "Settle For Nothing" est dur à
supporter en entier, heureusement pour terminer cette face A il y a
"Bullet In The Head" : le seul morceau enregistré avant de
passer à l'épreuve de la scène. Christophe Levaux, dans un passage
technique mais pédagogique, désosse le jeu de guitare de Morello et nous
explique comment ça fonctionne. Ce titre est encore et toujours une déclamation
politique très à gauche, surtout pour les USA.
On retourne le disque pour un second round
avec la face B.
"Hey we're coming back with another
bombtrack" : première phrase de cette face avant le début du chant de
"Know Your Enemy". Cette répétition est symptomatique de cette face
B.
Après un nouveau paragraphe technique pour
lequel une traduction aurait été nécessaire à ma lecture, l'auteur profite de
ce titre pour discuter production et mixage, les rôles de Garth Richardson
et Andy Wallace et leurs incidences sur le son de l'album, et ce qui a
fondamentalement changé par rapport aux démos, ou pas.
Après ce chef d'oeuvre, je suis d'accord
avec l'auteur, l'album lasse. Non que les morceaux soient mauvais ou même plus
faibles, ce qui lasse c'est la similarité des compositions. Il ne faut pas
écouter cet album en entier d'un seul coup. C'est tout l'intérêt du
vinyl : un jour la face A, un autre la B.
"Fistful Of Steel" est l'occasion
d'une nouvelle charge anti-institutionnelle pour Zack de La Rocha. Christophe
Levaux, pédagogue une deuxième fois, décortique le jeu de guitare de Tom
Morello, son utilisation des micros, des pédales, etc, et ce qui
caractérise son jeu. Ce qui fait que le groupe se passe de samples, et le
revendique. Pour quelle raison d'ailleurs ?
Malgré des critiques élogieuses et
méritées, des tournées à succès, des ventes faramineuses, le groupe aura de
moins en moins de succès. Christophe Levaux dans les dernières et
passionnantes pages de son livre discute de la notoriété de l'album et du
groupe. Il souligne ce qui faisait déjà la faiblesse des derniers titres, la
même recette refera de bons albums, mais justes bons. Et c'est ce qui tuera le
groupe et flinguera sa notoriété.
Mis à part quelques passages trop
techniques pour moi qui ne suis pas musicien, le livre permet de faire le point
sur ce disque. L'auteur n'hésite pas à poser la question sur ce qui reste de ce
brûlot musical des années plus tard. Ses réponses sont instructives, pas
seulement pour Rage Against The Machine, mais aussi pour ces
groupes ou ces albums que, tous un jour, nous avons mis sur un piédestal. Il
est un temps où l'écoute doit se renouveler. C'est tout le mérite de ce livre.
Le livre paru en mars 2018, est tout de
même d'actualité avec le nouveau retour annoncé du groupe en 2020. La lutte
continue ? L'appât du gain ? Le plaisir de jouer ensemble, j'espère.
Je conseille vivement à tous ceux pour qui
la musique est plus qu'un simple bruit de fond de se procurer ces petits
volumes des Éditions Densité dès leurs sorties, car ils deviennent vite
introuvables.
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