Ah les séries françaises…il suffit de prononcer ces 2 mots
pour qu’on ait tous un frisson qui nous parcourt l’échine, en voyant apparaitre
des flashs de Véronique Genest et feu Mouss Diouf en train d’enquêter sur le
meurtre d’un notaire des Yvelines, ou pire en se remémorant ces moments gênants
où Annette faisait du rentre dedans à Monsieur Girard…brrr.
Eh bien tout ça c’était avant ! Euh ben non en fait
pas exactement...
Les fictions "Made in TF1" sont toujours très médiocres.
France 3 et les honorables Capitaine Marleau
ou Un village français fait dans
le « sexagénaire only ». M6 préfère miser sur les recherches
d’appartement, relooking ou autres recettes de cakes aux myrtilles. Alors France
2 peut être ? Chez Maupassant, 10 % ou Fais pas ci fais pas ça…pas
un volume énorme mais des rendus honorables.
Canal + et Arte ? Il manque toujours ce petit quelque
chose…mais au moins ils tentent. On ne peut pas dire que H, Platane, Les Revenants, Mafiosa, Baron Noir ou P'tit
Quinquin soient des chefs d’œuvres mais on est quand même pas mal à
s’y être logiquement laisser prendre…
Et OCS alors ? Ben OCS, ils produisent et laissent
s’exprimer des gens que les grosses chaines précitées oublient sur le palier.
Avec un budget par épisode qui ne dépasse pas les 100 000 €, il
ne faut pas s’attendre à voir une Khaleesie bis chevaucher un dragon dans les
montagnes du Jura. Mais à ce tarif, ceux qui bossent, qui créent, les
passionnés, les vrais peuvent s’exprimer avec la liberté de faire dire à leurs
personnages : « merde », « putain », « va chier »,
« connard », etc.
Et c’est donc ce qu’a pu faire Frédéric Rosset, le trentenaire créateur de la série Irresponsable, passé avant par le prometteur cursus « création série télé »
de La Femis.
A l’instar de Missions
ou Les grands autres séries réussies
et produites par le bouquet appartenant à Canal Plus et Orange, le format court
est ici utilisé (épisodes de 26 minutes).
2 saisons ont été tournées à l’heure où j’écris ces lignes
et une troisième est prévue (prévoir une diffusion fin 2019).
Alors qu’est ce qui fait qu’à l’arrivée cette série sortie
discrètement sur une chaine peu connue et avec un petit budget soit en passe de
devenir culte ?
Le travail, le talent et l’exigence je dirais…A aucun
moment, on ne ressent ce flottement propre à certaines créations faites avec peu
de moyens. Il y a du rythme, les acteurs jouent juste, les dialogues claquent
et les lieux de tournage sont très bien choisis...il ne faut pas forcément des
millions de dollars pour arriver à ce résultat. Surtout s’il n’y a pas d’effets
spéciaux ou cascades.
Et puis surtout, il y a Julien. Le personnage principal
interprété par l’incroyable Sébastien Chassagne, l’irresponsable donc. Ce trentenaire
tellement de notre époque. Intelligent, sensible, marrant, talentueux, plein de
vie et d’empathie mais qui refuse de devenir adulte…
Le pitch ? Musicien glandeur basé à Paris âgé de 30
ans, Julien est obligé de revenir vivre chez sa mère à Chaville, en grande
couronne, après avoir écumé et s’être fait jeter des canapés de tous ses potes,
en bon squatteur et boulet de haut niveau qu’il est.
Au programme de ce comeback (l’officiel, celui annoncé à
Maman) : devenir adulte. Car, si comme la série le suggère, Julien semble avoir
tout le talent nécessaire pour être musicien professionnel, il n’en a, pour ainsi dire,
« pas le sérieux » nécessaire. Il va donc se trouver un boulot un
vrai et un appart’ très vite. Mais d’abord il va se reposer et se remettre de
ses aventures, avec un bon pétard 3 feuilles et sa playstation hein, il ne faut
pas déconner non plus (voilà son vrai programme en fait, l’officieux) !
Cependant, tout ne va pas se passer comme prévu pour
Julien. Entre une mère étouffante (interprétée par la formidable Nathalie Cerda)
qui n’a rien de mieux à faire que de lui obtenir un entretien d’embauche pour
qu’il devienne pion dans son ancien collège et le destin qui met sur son chemin
Marie (Marie Kauffmann), son amour de jeunesse, mystérieusement disparue 15 ans
plus tôt…et qu’il retrouve avec un fils (le sien…) de 15 ans prénommé Jacques (Théo
Fernandez) …les vacances sur le canapé de Maman vont s’avérer plus mouvementées
que prévues.
Julien va cependant s’accrocher…à sa manière. Il veut être
le père de Jacques (avec qui il va nouer une véritable Bromance de BFF fumeurs
de pétards), reconquérir Marie et être un bon fils. Voici le point de départ
qui va faire la réussite des 2 exceptionnelles saisons de 10 épisodes chacune.
Les situations cocasses s’enchainent dans la vie de notre
héros entouré par une flopée de second rôles réalistes et bien interprétés
(mentions spéciales au grand Sam Karmann dans la saison 2 et à Vincent
Steinebach dans le rôle d’Adrien le flic pote bienveillant mais légèrement souffre-douleur
de Marie et Julien). On est vite pris d’une folle sympathie pour tout ce petit
monde.
Car
c’est avant tout ça le charme d’« Irresponsable », Frédéric Rosset parle
de nous avec talent et brio comme a pu le faire Thomas
Cailley dans le film « Les combattants » par exemple. Nous, les gens
normaux, la classe moyenne qui vivons la plus grande aventure humaine : le
quotidien. Si Julien nous fait rire, il nous émeut aussi dans
sa maladresse lorsqu’il cherche à reconquérir Marie devenue professeur de
français ou quand il assiste au conseil de classe de Jacques…complétement
largué sur les us et coutumes de ce genre de rendez-vous père/fils.
Irresponsable possède ce charme « lo-fi » des grandes premières œuvres
qu’il s’agisse d’un album, d’un livre, d’un film…ou d’une série faite avec
passion, sensibilité, naïveté et second degré. Culte je vous dis.
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