dimanche 21 octobre 2018

T'arrives ou tu repars ? Matgaz - Sorti en 2014 sur Kicking Books (Myfriendgoo)



 
Musicien de rock est le pire métier du monde. J'en avais la conviction, forgée de mes quelques modestes expériences de concert et d’enregistrement et surtout de mes lectures et visionnages de documentaires ; ce livre n'a fait que l'étayer par un témoignage précis. Non pas que son auteur, Mathieu Gazeau aka Matgaz, batteur entre autres de Mars Red Sky, semble malheureux à l'exercer. Mais le quotidien des tournées qu'il décrit, à la fois routinier et incertain, ressemble à l'enfer, de mon point de vue. Matgaz est méthodique et organisé, il a délimité sa démonstration à trois séquences de tournées vécues en 2013 : une première avec Mars Red Sky, au Brésil et en Argentine, qui doit se conclure par l'enregistrement d'un album aux États-Unis ; une deuxième en Espagne, dans les Balkans et aux Pays-Bas en duo avec le performer garage-rock américain Reverend James Leg ; et une troisième de nouveau avec Mars Red Sky en Europe du Nord. Les trois séquences comprenant également pas mal de dates en France en début ou fin de tournée.
Dès le début, ça tourne mal : en transit aux États-Unis, le trio est victime de la suspicion des autorités, qui laisse planer une menace non seulement sur l'enregistrement de l'album, mais aussi sur leur voyage retour. Avec son langage direct et fleuri, orné de quelques curiosités du patois charentais (détaillées dans un glossaire) et de quelques fautes de grammaire et d’orthographe pas si gênantes même pour un maniaque comme moi, Matgaz décrit parfaitement le côté répétitif de cette vie de bohème, faite de voyages en van, de soundchecks, d'attente, de groupes de première partie souvent stéréotypés (groupes stoner pour Mars Red Sky, one-man bands garage pour James Leg ; un supplice pour un musicien éclectique comme lui), de concerts (quand même) plutôt réussis globalement (même pour un gars exigeant comme il semble l’être), de rangement de matos, d’esquive de l’after et de lever plus ou moins tôt pour reprendre la route. Il décrit tout aussi bien les incertitudes auxquelles il est confronté, répétées à chaque date : comment sera le son ? Comment sera le public ? À quelle heure on va jouer ? Qu’est-ce qu’on va manger ? Dans quelles conditions on va dormir ? Il y a également les gros imprévus, les trucs qui te tombent dessus et que tu dois gérer comme tu peux : la douane US, bien sûr, mais aussi les contrôles de police (dont un en plein concert à Angoulême), le trou d’un mètre cinquante dans la route au Kosovo qui n’empêche personne de doubler en triple file, le cycliste havrais imprudent qui se crashe contre le van de location. D’autres imprévus sont plus sympathiques, comme le concert inattendu de Bob Mould au Brésil ou la solution de rechange pour l’enregistrement de l’album.
Ce qui frappe également, ce sont les mesures salutaires que notre héros met en place pour dompter la routine et faire face à l'incertitude. Cela va des trente pompes du matin pour se réveiller et se maintenir en forme jusqu'au refus de la p'tite bière en arrivant à la salle de concert pour le check-up (multipliées par le nombre de dates par an, ça commence à faire beaucoup d’alcool) en passant par la boîte de sardines de secours dans le sac de voyage au cas où il n’y aurait rien de comestible sur place.
Et puis il y a la géographie, humaine, forcément : l’Amérique latine avec ses concerts qui démarrent à pas d’heure, l’accueil chaleureux et festif et la générosité de leurs hôtes ; les Balkans et leurs barbecues 100% barbaque ; le Kosovo et les stigmates de la guerre ; les pays baltes méconnus et surprenants ; la Scandinavie et ses sectes de fans ultra pointus. Et une galerie de portraits colorés : des tourneurs, des ingés son, des patrons de bar, des musicos, des fans ; des sympas, des fantasques, des barjots, des relous. Une vraie cour des miracles. Matgaz distille quelques conseils pour gérer certains profils.

Ce petit bouquin informe est un document passionnant sur le monde des soutiers du rock mondialisé, moins WTF que le documentaire “This is Anvil” - sans doute du fait de ma proximité culturelle plus forte avec Matgaz qu’avec les métalleux canadiens - mais tout de même très imagé. En 169 pages, il m’a fait voyager, m’a imprimé des images dans la tête et a finalement renforcé ma fascination pour les rockers, s’il en était besoin.


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