dimanche 1 mars 2020

David Bowie : Rainbowman : 1967-1980 de Jérôme Soligny chez Gallimard (NicoTag)



La lecture démarre par un avant-propos de l'auteur, Jérôme Soligny, racontant sa première image de Bowie, l'homme Arc-En-Ciel. Suivent deux préfaces prestigieuses signées Tony Visconti et Mike Garson. Et un prologue où l'auteur parle de sa dernière rencontre avec David Bowie en 2003.
Ce David Bowie : Rainbowman est une biographie musicale, on y parle donc de musique. Sauf à de rares exceptions, toujours justifiées par l'auteur, on n'y parle pas de drogues, d'alcool, de sexe, ou d'autres excès. Les amateurs de ce genre de détails croustillants peuvent passer leurs chemins.
Un premier chapitre fait le point sur tout ce qui se passe avant 1967.
Ensuite un album par chapitre et une construction commune. La première page est une photo avec une mise scène en noir et blanc de l'album avec des objets significatifs de la période, une carte postale de l'hôpital de Cane Hill pour The Man Who Sold The World, un 45T des Easybeats pour Pin Ups, etc. Sur la deuxième page le titre de l'album, et si il y a lieu les live, les albums produits pour Iggy Pop, etc ; une citation extraite de la liste des lectures recommandées par Bowie (Flaubert, Isherwood, Lampedusa,...) ; puis un extrait plus ou moins long d'interviews de l'artiste.
Le texte de Jérôme Soligny, de longueur variable, agrémenté de reproductions photographiques de très bonne facture, les notes en fin de chapitre, avec pour dernière page un dessin original à l'encre de Lisa et Margaux Chetteau. La lecture se poursuit sur des pages mauves/violettes où figurent les très nombreux témoignages, là encore la longueur est variable, les notes à la fin.
Chaque chapitre est une mine d'informations, quiconque est intéressé par la musique de David Bowie y trouvera son compte. Tout est détaillé, le choix des musiciens, des producteurs, des studios, le déroulement des tournées, les séances photos, les costumes, etc. Jérôme Soligny est avant tout musicien, c'est en tant que tel qu'il écrit et décrit précisément les séances d'enregistrements, les techniques utilisées. Le portrait de l'artiste laisse aussi de la place à l'homme David Bowie, que Jérôme Soligny a rencontré à plusieurs reprises. Ces entretiens avec Bowie et d'autres nourrissent ce texte riche et de lecture agréable.
Le portrait de David Bowie semble objectif. S'il est la plupart du temps timide, courtois, poli et charmant, il est des passages où ce n'est pas le cas. C'est une des qualités de ce livre, il n'est pas celui d'un fan transi d'admiration aveuglante, mais d'un passionné de musique, lucide. Notamment sur une tournée où les rapports musiciens/manager/artiste sont loin d'être exemplaires, ou parfois sur son comportement en studio. Par contre, l'homme travailleur laborieux, le musicien créateur sont toujours présents. On apprend comment Bowie, en s'appuyant sur le travail des musiciens, producteurs, ingénieurs, sculpte sa pâte musicale pour en faire œuvre, comme un alchimiste transmue le plomb en or.
On rencontre beaucoup de monde dans ce livre. Chacun est resitué, rapidement ou en détail, pour savoir de qui on parle.
Un paragraphe décrit Corinne « Coco » Schwab, l'assistante personnelle de Bowie, omniprésente, mutique, et si importante.
Les évidents Iggy Pop et Lou Reed, ce dernier apparaît quelquefois, rarement à son avantage.
Ceux qui sont les plus importants pour la musique ne sont pas en reste, bien au contraire et tout à l'honneur de l'auteur. En effet, chaque musicien ou technicien, d'un jour ou de plusieurs années, est présent, son rôle est décrit méticuleusement. Hommage est rendu à toutes ces personnes qui ont contribué à la création de la musique de Bowie, pas seulement Tony Visconti ou Brian Eno ; les musiciens de sessions, de tournées ou de passages, les ingénieurs du son maison, le comptable du studio ou le photographe, etc, ne sont pas reportés en note en bout de chapitre.
Une très bonne idée de Jérôme Soligny a été de faire figurer à la fin de chaque chapitre des témoignages. Ces parties sont un complément et surtout un véritable enrichissement pour le livre car ces pages ne répètent pas le propos de l'auteur. Environ trois cents personnes ont apporté leurs contributions, la plupart directement, quelques-uns ont autorisé l'auteur a reproduire une partie de texte d'un livre ou d'une interview parce qu'ils n'avaient rien à ajouter. Cette foison de témoignages dresse un portrait de l'époque, du contexte musical, de la musique de Bowie, de David Bowie lui-même. Toutes ces personnes l'ont approché, plus ou moins longtemps, d'une séance de studio ou de tournées entières. Egrener des noms obligerait à trier, et ce n'est pas possible car ils ont tous (ou presque) un intérêt. Réunir un tel nombre de personnes pour ce livre doit représenter un travail de titan. Il est nécessaire d'ajouter que cette polyphonie n'est pas hagiographique.
Avec les textes de l'auteur, augmentés des témoignages, on a affaire à un authentique ouvrage d'histoire musicale, l'évolution de David Bowie sur ces treize années est fulgurante, il n'a que 20 ans en 1967 et sait déjà où il veut aller ; Low sort au moment de ses 30 ans, sa carrière est phénoménale. Ses apports à la musique sont déjà extraordinaires.
Le livre est aussi un manuel d'histoire des techniques d'enregistrement et de mixage tant l'auteur dissèque ce qui se passe en studio. On voit l'évolution des consoles, les bidouillages, on parle encore de ciseaux et de colle pour le mixage, etc. Toutes les parties de guitare de Robert Fripp sont détaillées par exemple. Cependant, cela reste tout à fait lisible pour un non- musicien. On apprend également les différences de mœurs, d'habitudes et de règles de travail des musiciens entre l'Europe et les Etats-Unis.
Les costumes et la mode, l'art, la photo ne sont pas oubliés. David Bowie l'artiste complet.
Tout le monde connaît Jérôme Soligny, journaliste à Rock'n Folk. C'est l'arbre qui cache la forêt. Notre auteur est également, et en premier, auteur-compositeur de plusieurs disques, avec de belles participations comme Mike Garson ou Tony Visconti ; compositeur et/ou auteur pour entre autres Dani, Valli, Lio, Les Filles (Rêves de filles en 1983), Etienne Daho (Duel au soleil, La baie…) avec qui il a sorti un livre sur Françoise Hardy, producteur et/ou arrangeur avec Marc Minelli et les Innocents, et d'autres. Il est aussi compositeur de musiques de film, ou de musique événementielle. Il a participé à Strings of the storm d'Elliott Murphy. Traducteur : l'autobiographie de Tony Visconti, tous les textes de l'exposition David Bowie Is. Romancier : Je suis mort il y a vingt-cinq ans. Ses articles, interviews, chroniques rock sont réunis dans un beau volume : Writing on the edge 25 ans d'écrits rock. La liste est loin d'être exhaustive.
Une première biographie sur David Bowie est sortie en 1985, puis remise au goût du jour en 1996 et 2002.
Un mot sur le livre en lui-même. Beau volume avec une couverture à larges rabats, David Bowie bleu/violet sur le recto, la liste des témoins au verso. Des cahiers cousus collés, un très beau papier couché très agréable à la main. Les reproductions photographiques sont de très bonne qualité, idem pour les dessins. C'est proche du livre d'art et très confortable. Un bémol pour les notes des parties de témoignages : trop petites sur les pages violettes pour mes yeux, j'ai parfois eu du mal à les lire.
Pour finir cette chronique, David Bowie : Rainbowman (complété par Ouvre Le Chien, voir la chronique précédente sur le blog) est, avec sa foultitude de détails, un monstre d'érudition savante, agréable à la lecture. Non seulement il m'a donné envie de tout réécouter, avec une oreille renouvelée, mais surtout j'attends la suite !

 la véritable naissance d'Aladdin Sane
un titre de Jérôme Soligny

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