samedi 10 juillet 2021

RENCONTRE VIRTUELLE AVEC BENJAMIN FOGEL, EDITEUR, ESSAYISTE, ROMANCIER, ETC (NicoTag)

 

Playlist Society est une jeune maison d'édition dirigée par Elise Lépine et Benjamin Fogel son fondateur, on trouve surtout des livres sur le cinéma (au sens très large puisque les séries, dessins animés, et bientôt jeux vidéo sont aussi au catalogue) et un peu de musique. Quatre livres pour l'instant sur les Swans, Lizzy Mercier-Descloux, Kanye West et dernièrement Oasis. J'en ai lu trois, de grande qualité, Lizzy Mercier Descloux, Une Eclipse de Simon Clair, Kanye West Ou La Créativité Dévorante d'Adrien Durand et Oasis Ou La Revanche Des Ploucs de Benjamin Durand et Nico Prat, ces derniers ne font pas partie de ce que j'écoute, mais ma curiosité a été piquée par les nombreuses critiques positives sur des blogs que je fréquente. Quant à Lizzy Mercier Descloux, j'y reviendrai plus tard dans l'année sur ce blog, même si le livre est paru en 2019.




C'est donc bientôt trente livres, à l'identité visuelle bien affirmée, édités par les soins de Playlist Society. Benjamin Fogel a bien voulu répondre à quelques questions sur son métier d'éditeur (musical) et d'auteur, deux romans, une biographie de Howard Devoto, et un livre sur les Swans.


Pour commencer, qui êtes-vous Benjamin Fogel ?

Je vais avoir 40 ans. J’ai commencé à écrire comme blogueur – critiques de films, de disques et de livres –, avant de lancer ma maison d’édition, puis de consacrer une grosse partie de mon temps libre à l’écriture de fictions.


Comment et pourquoi est né Playlist Society ?

Avant d’être une maison d’édition, Playlist Society a été mon blog perso, puis un webzine collectif. En 2014, alors que la version webzine existait depuis trois ans, nous avons réalisé que la longueur de nos publications s’allongeait drastiquement, pouvant facilement dépasser les 10 000 signes, et parfois même les 15 000. Il devenait implicite que le format web ne correspondait plus à nos envies d’écriture. Est venue alors l’idée de créer une véritable structure, qui pourrait publier nos textes – les auteurs des quatre premiers livres de Playlist Society sont des membres fondateurs du webzine –, mais aussi ceux des personnes dont nous aimons le travail. 


Comment on édite chez Playlist Society ? Vous allez chercher les auteurs ou ce sont des auteurs qui viennent avec des projets ?

Nous n’allons jamais chercher les auteurs et les autrices. Nous ne faisons jamais de « commande ». Nous voulons que les personnes viennent vers nous avec des projets qui leur tiennent à cœur, qui sont essentiels pour eux. Il faut qu’il y ait de l’envie dans chacun de nos livres, voire un rapport intime de l’auteur ou de l’autrice avec son sujet.




J'ai remarqué une grande ouverture dans le choix des sujets traités dans les livres, ça se voit avec les quatre livres musicaux, c'est encore plus parlant avec l'image : Blake Edwards, Ghibli, Mad Men, les zombies, bientôt le jeu vidéo. Moi dont la cinéphilie est à peu près au degré zéro, j'en lirai bien quelques uns par curiosité. C'est une volonté d'aller dans un grand nombre de directions, de ne pas rester dans une zone de confort ?

À vrai dire, j’ai l’impression que nous allons toujours dans la même direction. Peu importe que nous parlions de disques, de films ou de romans, le souhait de décrypter l’histoire de l’art contemporaine et sa résonnance avec les sphères socio-politiques reste la même. Seule la matière première change. Je ne fais d’ailleurs aucune différence entre musique, cinéma et littérature. Ce ne sont que des supports d’expression différents pour moi. Et émotionnellement et intellectuellement, peu importe le support. 


Quel groupe ou artiste aimeriez vous voir entrer à votre catalogue ? Est-ce que ça pourrait être un courant musical, un label, etc ?

Nous pourrions tout à fait faire un essai sur un label, comme nous avons déjà fait un récit sur une boîte de production américaine – Génération Propaganda de Benoit Marchisio (2017). Concernant les groupes, la liste est quasi infinie. Si on avait le temps et les moyens financiers, j’aimerais que l’on sorte des essais sur quasi tous les groupes phares de l’indie rock, des sphères hip hop et métal, de l’électro et de la folk…


Dans le livre d'Adrien Durand sur Kanye West on ne parle pas que de musique, c'est aussi un livre d'histoire sociale et culturelle, de politique, c'est le cas aussi dans celui sur Oasis de Benjamin Durand et Nico Prat. Est-ce que Playlist Society pourrait élargir son catalogue vers d'autres domaines : littérature, politique, sciences humaines, etc ? Est-ce que vous envisagez vous catalogue comme un reflet de notre société ?

J’envisage l’art en général comme un reflet de notre société, et c’est toujours la première question que je me pose quand je lis un manuscrit ou que l’on nous propose un sujet : qu’est-ce que ce livre va dire de notre monde ? En revanche, notre prisme de lecteur reste les œuvres, les artistes et les courants artistiques. Ils seront toujours le point d’entrée, même s’il s’agit de livres plus orientés vers la politique et les sciences humaines.


Quelles sont les prochaines parutions ?

Le 7 septembre, nous sortons Apocalypse Show, quand l’Amérique s’effondre d’Anne-Lise Melquiond, un essai sur toutes les séries américaines post 11 septembre qui traitent de la fin du monde tout en évitant la question du déclin du capitalisme.


Non seulement vous publiez mais en plus vous écrivez sur la musique : Le Renoncement De Howard Devoto en 2015 et Swans Et Le Dépassement De Soi en 2016. Qu'est-ce qui vous intéresse chez les Swans et Howard Devoto ?

Chez les Swans, comme chez les Buzzcocks et Magazine, ce qui me passionne est la conjonction entre une esthétique, un positionnement politique contre la norme et un rapport fort au do it yourself. D’une certaine manière, j’essaye toujours de gérer Playlist Society comme un label punk de Manchester ou un label noise de New York : en faisant le maximum de choses en interne, sans devoir rendre compte à personne, en maîtrisant la quasi intégralité du cycle de création d’un livre.  




Qui sera le prochain artiste à passer sous votre plume ?

J’ai beaucoup de projets de fiction en cours, et je ne sais pas quand je pourrai à nouveau écrire sur un artiste ou un groupe. En tout cas, si ça arrive, je pense que ce sera sur un sujet très contemporain, qui parle du monde de maintenant.


Vous êtes également romancier, une trilogie dystopique est en cours, avec deux volumes parus : La Transparence selon Irina en 2019 et Le Silence Selon Manon récemment. Irina se déroule en 2058 dans un univers entre Bilal, Damasio et Ballard, un "totalitarisme mou" (je reprends votre expression). On y croise pas mal de références culturelles : Terence Malick, Paul Delvaux, Edward Hopper, David Foster Wallace et on y écoute pas mal de musique : Nils Frahm, Boards Of Canada, R.E.M, Joy Division, Fugazi, Autonomy, etc.

Comment la musique nourrit votre écriture ? Quelle relation avez-vous avec ces groupes ? Pensez-vous qu'ils passeront les filtres du temps et qu'on les écoutera encore dans 40 ans ?

Chacun de mes livres posent la question de ce qu’il faut faire en musique quand on a déjà tout dit, et chacun apporte une réponse différence. C’est quasi un leitmotiv dans mes écrits. Il y a eu dans l’ordre : le renoncement, le dépassement, le renouvellement, puis la perpétuation de l’engagement politique avec Significant Youth, le groupe fictif au cœur du Silence selon Manon. Ensuite les références à des groupes permettent de donner une coloration à une scène, de caractériser la personnalité d’un personnage ou encore de renforcer la cohérence thématique du propos. Personnellement, j’écoute un paquet de disques qui ont plus de 40 ans. Je suis persuadé qu’en 2061, on écoutera toujours les chefs-d’œuvre de 2021, comme Vertigo Days de The Notwist ou Menneskekollektivet de Lost Girls.


Ce volume est le premier d'une trilogie, le deuxième,
  Le Silence Selon Manon est paru récemment


Toujours dans La Transparence selon Irina, page 126 puis dans l'annexe 5, vous réécrivez un de vos articles (à lire absolument ici) de 2016 à propos du musicien Tim Hecker aka Jetone. C'est un constat sur l'état de la musique, un véritable manifeste de critique musicale. Comment est arrivé ce constat ? Est-ce que votre avis a évolué depuis ? De quelles manières cela influe-t-il votre écriture, et votre métier d'éditeur ?

Toutes les questions que peut se poser un musicien sur la nécessité à continuer de composer et sur les orientations à donner à son art se rapprochent fortement des réflexions que peut avoir un auteur pour savoir s’il est bien raisonnable d’encombrer les librairies avec un nouveau livre. Du coup, je pense toujours à mes livres comme des briques d’une discographie et non d’une bibliographie. Je me demande comment ils interagissent entre eux, si on y retrouve mon style, et si oui avec quelles variations. Parfois, je pense à un projet, et je me dis « tiens, ça pourrait être ton album de la maturité ou le début de ta période électro ». 



Éditeur, journaliste (813), essayiste, romancier, et depuis peu scénariste de bande dessinée pour le prochain Métal Hurlant, qu'est-ce qui manque à cette liste ? Que nous réservez-vous pour l'avenir ?

Il ne manque absolument rien. Je suis hyper heureux de ce que je fais aujourd’hui. Je n’ai aucune autre ambition que de continuer à faire ce que je fais déjà actuellement, si possible en continuant à m’améliorer. 



Je ne suis pas le premier à évoquer Playlist Society sur Xsilence :

Xsilence.news-992 Le podcast "Entrée Plat dessert" sur Oasis ou la revanche des ploucs de Benjamin Durand et Nico Prat, enregistré parX_Lok

Xsilence.news-921 Une news sur Kanye West ou la créativité dévorante d'Adrien Durand, par X_Lok

Xsilence.news-819 Le podcast "Entrée Plat Dessert" sur Lizzy Mercier-Descloux, une éclipse de Simon Clair, enregistré par X_Plock


Le site de Playlist Society est riche, et pas uniquement de leurs livres : playlistsociety.fr



Benjamin Fogel à propos de La transparence d'Irina


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