lundi 25 juillet 2022

Thomas VDB - Comedian Rhapsodie (Flammarion) - Myfriendgoo

Un humoriste fan de rock en 2021, on ne peut pas dire que ce soit le summum de la hype. Pourtant, il a son petit succès, le Thomas VDB. Certes, il ne parle pas que de rock, il parle beaucoup de son quotidien, et même de plus en plus de politique, influencé par sa compagne Audrey Vernon et de ses collègues humoristes gauchiasses de France Inter. Mais sa passion pour le rock ne manque jamais d’affleurer dans ses sketches et ses chroniques, jusque dans le très amusant jeu radiophonique qu’il a animé à l’été 2021, subtilement intitulé “Qui veut gagner la flûte à bec”. Ceux qui le suivent depuis longtemps connaissent plus ou moins son passé de journaliste chez Rock Sound, puisque l’un de ses premiers one-man-show, “En rock et en roll”, en parlait déjà. Mais avec ce premier bouquin, Thomas fait son coming-out intégral : oui, il a adhéré au fan-club français de Queen, puis à celui de The Cult, durant son adolescence. Oui, il a truandé RTL en utilisant ses potes pour gagner plus de CD au jeu du coin-coin de Francis Zégut. Oui, il a monté lui-même le fan-club français de Korn, à 19 ans, ce qui lui a valu une poignée d'années plus tard de se faire embaucher comme journaliste par Yves Bongarçon à la rédaction du magazine Rock Sound, avec comme seules autres références le bac et trois inscriptions en première année de DEUG d’anglais.

Cette immersion dans le monde des fan-clubs pré-internet - enfin presque, puisque l'auteur décrit également sa découverte en 1996 d'un Internet payant et très limité - révèle la consanguinité qui existait à l’époque entre maisons de disques, fans et magazines. L’auteur décrit avec lucidité l’état de décomposition d’une industrie musicale qui s’apprête à se faire désosser par le tsunami de la révolution numérique, du mp3 au streaming en passant par les webzines : “j’arrivais pile à temps pour profiter encore un peu de l’opulence de gratuité qui avait eu cours dans “le milieu de la musique” depuis trois décennies, même si j’avais cette impression d’arriver à la fin d’une fête énorme où il ne reste plus que trois bières.” Et notre journaliste en herbe de se retrouver expédié deux fois aux States en dix jours pour interviewer des rock stars, et de se faire embarquer par ses collègues dans les plans hype de Seattle et Los Angeles (l’épisode du jean slim fit m’a valu un fou-rire comme je n’en avais pas connu depuis un moment).
 
Notre Cameron Crowe français semble moins obnubilé par la consommation de drogues et par les groupies que son prédécesseur américain. VDB est plutôt du genre fétichiste, collectionnant les disques et se faisant même prendre en photo à côté d'un pantalon de scène de Freddy Mercury. Mais ce qui frappe le plus dans son ouvrage, c’est la description d’un bore out dans un milieu de passionnés dans lequel on n’aurait pas imaginé un phénomène de ce type : plus son niveau de responsabilité augmente - et le salaire qui va avec - plus il se sent décalé. D’autant qu’il a une porte de sortie qu’il finira par saisir (désolé pour le divulgachage) : la comédie, qu’il a découverte par le spectacle de rue et les matchs d’impro, et qui lui a déjà rapporté des cachets avant que l’industrie musicale ne l’achète avec un CDI et un salaire “qui lui donnait l’impression de gagner au Tac-O-Tac tous les mois.

Ce qui me frappe le plus en lisant et relisant ce bouquin, c’est le sens du détail de ce bonhomme qui cultive pourtant une image d’artiste jeanfoutiste. Ça fourmille de madeleines et d’anecdotes précises et hilarantes (les cassettes de 90 minutes qui coupent la dernière chanson de l’album ou qui conduisent à enregistrer un album de Niagara sur la face B d’une cassette de Slayer), mais aussi de personnages pittoresques et attachants, de Ludovic, l’anti-batteur de son premier groupe de rock (hé oui, Thomas VDB a également tâté du microphone pendant son adolescence) à Liam Gallagher bourré, en passant par son pote Chacha et le regretté Yves Bongarçon (décédé en 2019 et qui reçoit ici un bel hommage, sans complaisance excessive). Je viens de terminer ma deuxième lecture sous prétexte de rédiger cette recension, et tel Thomas VDB avec les deux premiers Weezer, il est possible que je reste bloqué un moment sur cet ouvrage.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Punk rock Jesus

Sean Murphy est une figure montante du comics indépendant. En écrivant ça, je vous ai tout et rien dit. Sean Murphy est une figure mont...