Deuxième
chronique d’un bouquin pour la terrasse couverte, et deuxième chronique d’un
bouquin prêté par un gars d’influenza Records. Après OLivier, c’est Santiagoo
qui a décidé de combler une des lacunes de ma culture littéraire.
Merge Records et Superchunk n’ont pas fait l’objet d’un chapitre dans Our Band Could Be Your Life, la bible de l'indie-rocker DIY, puisqu’ils sont arrivés en 1989, c’est-à-dire à la toute fin de la période traitée par Michael Azerrad. Pourtant, ils s’inscrivent dans le prolongement direct de ce mouvement underground : Mac McCaughan et Laura Ballance, les deux fondateurs du label et du groupe, crédités comme co-auteurs de cet ouvrage aux côtés du journaliste John Cook, ne cachent pas les enseignements qu’ils ont pu tirer des expériences Dischord ou Touch & Go. Ils ont même accompli un bon bout de chemin avec ces derniers, qui ont fait office pendant plus de deux décennies de distributeurs pour un paquet de labels indés avant l’avènement du numérique.
Ce
récit de la fondation et de la survie d'un label pas comme les autres sonne
pourtant comme un Our Band Could Be Your Life 2, mâtiné du style très
particulier de Please Kill Me, la jubilatoire somme de témoignages qui
retrace la naissance du punk US, du Velvet Underground à l’overdose de Sid
Vicious. Ici, le regard de journaliste de John Cook sur cette aventure
singulière aide à contextualiser les souvenirs des acteurs de l’époque. Loin
d’être hagiographique, cet ouvrage richement documenté décrit les étapes d’un
projet qui aura été tout sauf planifié : conçu au départ pour sortir les 45
tours des différents groupes de Mac et de ses potes de Chapel Hill, petite
ville universitaire vaguement branchée de la sudiste Caroline du Nord, il
devient le vecteur de promotion de Superchunk après que Mac et Laura aient
décidé, suprême coquetterie, de se passer des services du pourtant iconique
label indé Matador. Superchunk est le produit phare du label jusqu'à
l’essoufflement de la vague post-Nirvana, puis se met à vivre de ses
découvertes étonnantes et éclectiques à partir de la deuxième moitié des années
90.
Ce
sont peut-être les parcours de ces autres artistes qui sont les plus touchants
: Matt Suggs, talentueux songwriter lo-fi maudit, co-fondateur de Butterglory,
dont les ventes sont restées misérables en dépit d’un talent reconnu par la
plupart des observateurs et des critiques ; Jeff Mangum, qui saborde Neutral
Milk Hotel après deux albums, effrayé par le succès de son monumental In An
Aeroplane Over The Seas ; l’acariâtre Stephin Merritt de Magnetic Fields,
qui parviendra contre toute attente à imposer - et à bien vendre - un projet
pharaonique, le triple CD 69 Love Songs et son packaging de luxe, et
dont le passage sur une major ne lui permettra jamais de renouveler ce succès
artistique et commercial ; les naufragés de Spoon, laminés successivement par
deux majors pour leurs deux premiers albums, qui avaient quasiment abandonné
tous leurs rêves de succès avant de se relancer brillamment sur Merge ;
Lambchop, les anticonformistes intimistes de Nashville, qui parviendront à
trouver un équilibre financier en ne tournant quasiment qu’en Europe. Et puis
bien sûr, la tornade Arcade Fire, recommandée à Merge du bout des lèvres par
Howard Bilerman, producteur emblématique de la scène post-rock de Montréal et
batteur d’appoint du groupe à l’époque, qui dévaste tout sur son passage, bien
aidée par l’effet amplificateur du cyclone Pitchfork. Leur mythique chronique
de Funeral figure d’ailleurs dans ce livre.
Ce
qui frappe dans cette histoire, c’est le mélange de pragmatisme, de rigueur
morale et de refus des conflits qui anime ses héros : ils prennent dans la
figure avec candeur tout ce qui peut arriver à un label indé et en sortent à
chaque fois un peu plus forts et un peu plus désabusés : les erreurs de
jeunesse (l’oubli de provisionner le remboursement des invendus dans les
comptes), la rupture amoureuse entre les deux protagonistes, les problèmes
d’approvisionnement de leurs plus gros succès ou encore les désertions (Polvo,
Trail Of Dead). Chaque disque est un projet autonome et personnalisé et doit
trouver tant bien que mal son équilibre, loin des stratégies boursicoteuses des
majors qui dépensent des fortunes sur des dizaines de vagues sosies de Kurt
Cobain, et espèrent se rembourser quand l’un d’entre eux touchera le jackpot.
La crise du disque couve, ces mêmes majors la prendront en pleine face et Merge
avec son modèle brinquebalant et artisanal s’en sortira mieux que d’autres. Et
c’est finalement Laura, la petite gothique timide qui surprend son monde en
imposant sa rigueur managériale et comptable.
Cette
passionnante somme, entrecoupée de témoignages de fans (la préface de Ryan
Adams est assez drôle, bien qu’un peu surjouée) n’a qu’un inconvénient : à ma
connaissance, elle n’a pas encore été traduite en français, et n’est peut-être
même pas distribuée par chez nous.
L’avantage, c’est que si vous le commandez chez Merge Records, vous recevrez un exemplaire dédicacé...
L’avantage, c’est que si vous le commandez chez Merge Records, vous recevrez un exemplaire dédicacé...
Our Noise: The Story of Merge Records
By
John Cook with Mac MacCaughan & Laura Ballance
Published by Algonquin Books
Published by Algonquin Books
Lien pour commander : https://www.mergerecords.com/our-noise-the-story-of-merge-records-book
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