dimanche 1 septembre 2019

COVERS. Une Histoire de la Reprise dans le Rock d' Emmanuel Chirache (NicoTag)


Quand on aime la musique, arrive un moment où on s'intéresse un peu à son histoire. On cherche des versions différentes de nos morceaux préférés, des démos, des extraits de concerts, et des reprises. Ce dont je suis fan.

La reprise peut-être un hommage, un simple exercice, un moyen de gagner sa vie, une parodie aussi, et tant d'autres choses.

Donc j'ai eu envie de lire le livre d'Emmanuel Chirache, Covers-Une Histoire De La Reprise Dans Le Rock, écrit avec la collaboration d'Aurélien Noyer, publié par Le Mot Et Le Reste, éditeur possédant un beau catalogue de livres sur la musique et les musiciens.

Emmanuel Chirache est journaliste, documentariste, rédacteur en chef du site Inside Rock.





Pour débuter le livre, comment Elvis Presley s'appuie sur ce qui passe à la radio, c'est à dire de la country, du blues, du gospel, etc. Des musiques jouées par des noirs ou des blancs, rarement les deux ensembles. Le morceau d'Arthur Crudup, "That's all right", repris par le jeune Elvis Presley cristallise toutes ces musiques, lance le rock'n'roll à la face du public blanc, ses Sun Sessions en sont le meilleur passeport.
En Angleterre, les fans de blues, de rythm'n blues reprennent leurs idoles. C'est ce que font les Kinks, cette fois-ci avec la voix de Dave Davies, en transformant "Milk Cow Blues" en machine de guerre proto-punk.
La musique est une histoire d'échange, d'aller-retour, comme le montre bien l'auteur. Fort logiquement, les musiciens noirs reprennent à leur tour les blancs. C'est une consécration pour les Rolling Stones de voir "Let'Spend The Night Together" repris par le plus grand bluesman : Muddy Waters en 1968, alors que déjà en 1967 le Roi de la soul, Otis Redding, leur avait donné une leçon avec "Satisfaction". Je ne sais plus où, Mick Jagger a déclaré qu'il ne jouait plus son morceau, mais qu'il reprenait la version sur-vitaminée d'Otis Redding.
L'auteur est extrêmement critique à l'égard des groupes des 60's, parfois injuste et approximatif, entre autres avec les Yardbirds, les Pretty Things et les Kinks, qui s'ils ont beaucoup repris, sont tout de mêmes à l'origine de la diversité du rock. Dans le même chapitre, il réhabilite Bo Diddley qui le mérite bien.
Par contre, là où je suis d'accord avec lui c'est au sujet des chanteurs et chanteuses français. Tous incapables d'écrire un seul morceau, ils pilleront allègrement et sans scrupules les catalogues américains et anglais. Les Kinks en feront les frais,"Dandy" par Michèle Torr, sur le même Super 45T elle massacre "Sunshine Superman" du gentil Donovan.
Notre électricien national non content, de dépouiller Stax et Motown, enterrera une deuxième fois Buddy Holly  sur "J'ai Joué Et Puis J'ai Perdu" singeant "I Fought The Law",  heureusement les Clash remettront les pendules à l'heure quelques années plus tard.
Nos rockers assermentés, Johnny et Eddy, en ont tellement fait qu'il est difficile de choisir, bien que quelques unes tiennent la route. La palme revient cependant à la troisième patte du canard, Dick Rivers, qui lui aussi a massacré les Kinks (pourquoi tant de haine à l'égard frères Davies),"You Really Got Me" devenant "La Seule Qui Me Tient", alors qu'il caricaturait déjà Johnny Cash.  
Derrière les tocards yé-yé, Emmanuel Chirache déniche quelques perles, des artistes moins connus reprenant les morceaux délaissés par les Sheila, Sylvie Vartan et autres. Ronnie Bird chante "Où va t-elle", une face B des Hollies, et sera repris lui-même par Jad Wio, dont je n'ai jamais su quoi penser. Il écrira même un titre pour Ray Charles, la classe ! Je connaissais un peu Ronnie Bird, mais pas du tout Noël Deschamps qui malgré son pseudonyme (oui, oui !) de chanteur de variétés enregistre "Te Voilà", le "She's Not There" des Zombies ainsi qu'un superbe "Bird Doggin'" de Gene Vincent, renommé "Pour Le Pied".
Certains chanteurs des années 60 auront droit à des hommages, plus tard, à partir des années 90, Adamo par exemple, dans deux styles très différents, avec Arno bien sûr, et surtout avec Brisa Roché, dont la superbe voix magnifie "Dans le vert de ses yeux", titre assez confidentiel.
Après ce passage en Angleterre et en France, on repart aux USA.
L'auteur fait un petit paragraphe sur ce classique du rock'n'roll : "Louie Louie" qui n'est pas des Stooges, pas plus que des Troggs, mais de Richard Berry., placé en face B de son "You Are My Sunshine". D'après l'auteur il s'agit du titre le plus repris au monde après "Yesterday". A elle seule, "Louie Louie" mériterait une anthologie en plusieurs volumes. Parmi les plus célèbres, intéressants, on trouve les Sonics, Blondie, Pinker Tone, Clash, Ike & Tina Turner, etc. Et des quantités d'inconnus qui rejouent le morceau à toutes les sauces : jazz, chorale, en solo, fanfare, etc.
Après le rock'n'roll, on se dirige vers le renouveau du folk et l'avènement de Bob Dylan, qui dès le début reprendra de vieux titres plus ou moins connus ; lui même sera repris des centaines, des milliers de fois, dont ce "Highway 61 Revisited" de Johnny Winter que j'adore. Dylan a tellement repris qu'il existe des compilations des originaux : Cover To Cover en deux volumes de quatre disques chacun, soit environ deux cents titres, il y en a certainement d'autres. A l'inverse, il existe un nombre incroyable d'albums d'hommages à Bob Dylan.
Après avoir servi de tremplin au lancement de nombreux groupes, la reprise devient à partir de 1967-1968, un prétexte à la création. Pour illustrer ce nouvel aspect de notre sujet, il n'y a pas mieux que Jimi Hendrix! Il s'est approprié tout ce qu'il a joué, "Hey Joe" bien sûr, mais aussi "Tears Of Rage" de Dylan, "Bleeding Heart" d'Elmore James, et beaucoup d'autres.
Un autre en 1962, avait opéré une transformation phénoménale en enregistrant ce drôle de "Misirlou", j'ai appris dans le livre que non seulement ce n'est pas un original mais qu'en plus cette musique vient de loin, en effet Dick Dale a pioché dans ses origines familiales libanaises où il a trouvé ce traditionnel "Misirlou", dont le jeu sur une ou deux cordes a influencé son jeu de guitare, comme quoi tous les chemins mènent au rock.

A partir des années 70, le statut de notre sujet change. La création originale devient le mètre étalon et la reprise devient plus anecdotique, plus opportuniste : pour continuer à occuper le terrain en attendant un véritable nouvel album David Bowie sortira Pin Ups, album de reprises dont "Where Have All Good Times" des Kinks.
L'auteur n'en parle pas, mais à cette période on peut difficilement échapper au disco, et à ses travers, car le disco pille, flingue, lui aussi des tubes avec Boney M ou Amanda Lear par exemple. Le disco ose tout.

Emmanuel Chirache s'intéresse peu aux années 80, ce qui est assez compréhensible, puisqu'à part le rock indépendant, il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent. On trouve un "Ziggy Stardust"  par Bauhaus, le classique soul "My Girl" transformé  en morceau du Velvet Underground par Jesus & Mary Chain, et cette autre merveille soul de Bill Withers, "Lean On Me", par les Housemartins.

A partir des années 90, en même temps que le revival 60's avec ses rééditions à tout va en CD, on voit fleurir des albums hommage, des Tribute, parfois bien foutu comme ce "Helpless", parfois moins.
Une expérience unique, en 1992, Wedding Present sort un 45 t par mois, chaque face B est une reprise, parfois surprenante mais pas plus que celle dont Gedge rêvait : lors d'une Black Session il a déclaré à Bernard Lenoir vouloir reprendre "Bad" de Michael Jackson, mais ne pas avoir réussi car trop compliqué.
Après un focus sur l'album Unplugged de Nirvana, que l'auteur aime beaucoup, on arrive directement aux années 2000. A propos de Nirvana, il faut citer "Smells Like Teen Spirit" repris par Tori Amos, sur laquelle j'ai vu le groupe arriver en dansant sur la scène du Zénith en 1992, même si ma reprise préférée est  celle de Weird Al Yankovic, bien plus vraie que nature !

Donc les années 2000, les stars vieillissent, les groupes sont séparés depuis longtemps pour la plupart, la nostalgie étant une occasion de se faire plaisir, ou une belle machine à fric, on voit apparaître les Tribute Bands qui rejouent à la note près des morceaux, voir des concerts entiers. Comme l'auteur j'ai du mal à saisir, car, pour la majorité ces musiciens aussi bons soient-ils ne sont finalement que des acteurs qui répètent un numéro en costume, tel Mötorheadache. Il y a des exceptions, comme Dread Zeppelin, qui rejoue Led Zeppelin en pseudo-reggae, ou Mini Kiss qui dépasse l'entendement !
Malgré tout, je me demande qui est le plus ridicule entre le Tribute Band, et l'artiste qui inlassablement rejoue le même set soir après soir au morceau près, au mot près entre les titres. Je ne balance pas, mais ils sont nombreux et de tout âge.
Une nouveauté apparue dans cette période-ci : les groupes qui réenregistrent leurs vieux albums. Le meilleur que je connaisse est encore Wedding Present. En 2017, ils ont ressortis George Best pour les trente ans de l'album, suivi en 2019 par Tommy 30, pour les trente ans également, dans les deux cas c'est franchement bon. Rendez-vous en 2039 pour les cinquante ans de Tommy, à l'Ehpad.
Le livre se termine avec un chapitre consacré à internet, et plus particulièrement à Youtube, où l'on trouve à peu près tout. Peter Hook expliquant comment jouer "Ceremony", le même titre par Radiohead, "24 Hours" par un groupe hollandais. Joy Division toujours, "Love Will Tear Us Apart" joué par une inconnue, ou dans un jardin par une fanfare, ou encore par Richard Buckner que j'apprécie beaucoup.
Pour en terminer avec le livre, j'ai appris quelques petites choses, mais je dois dire que les partis pris, les idées arrêtées de l'auteur m'ont ennuyés, il frise parfois la mauvaise foi. Plusieurs paragraphes sont contestables historiquement. J'ai du mal à savoir s'il apprécie son sujet, tant il s'en moque et le dénigre. Peu de groupes ont grâce à ses yeux, Nirvana, les Stones, et quelques autres.
Depuis la parution du livre il y a de nouvelles choses à écrire, entre autres sur l'apparition de compilations avec des titres dans ce genre : The songs they didn't write, The many faces of, etc. Parfois de bonne qualité, pour les Smiths par exemple.
Ceci dit, je me suis bien amusé en lisant, à rechercher dans mes disques et ma mémoire, sur Discogs et Youtube, pour retrouver certains des morceaux figurant dans le texte, et surtout n'y figurant pas.
En voici d'autres, rien d'exhaustif bien sûr, juste un choix personnel.
D'abord, et parce que c'est une déflagration, "Hound Dog". Big Mama Thornton n'en ai pas l'auteure, mais la première interprète d'une liste longue comme le bras.
Un autre genre avec ce "Salut Les Amoureux" de Miossec dont j'ai appris peu après qu'il s'agissait d'une chanson de Joe Dassin, puis je l'ai découvert par Johnny Cash qui n'en est pas l'auteur, car c'est Steve Goodman.
J'ai longtemps cru que "Tainted Love" était écrit par Soft Cell, alors que non, Gloria Jones est la première interprète. Idem pour " I Go To Sleep" des Pretenders, le titre est bien plus ancien et a été chanté en premier par Peggy Lee en 1965, alors qu'en fait c'est une démo inédite à l'époque du plus grand groupe des 60's : Les Kinks !"
David Bowie sur Heathen reprend "I've been waiting for you", je suis sûr qu'au départ il pensait reprendre les Pixies, alors qu'il s'agit d'un titre de Neil Young écrit en 1968. Il aurait pu confondre aussi avec Dinosaur Jr qui le jouent très bien. D'ailleurs J et sa bande ont furieusement secoué le "Just Like Heaven" des Cure.
Pour rester avec Neil Young, en 2011 à Toronto, Pearl Jam joue pépère un "Rockin'in The Free World" quand le parrain se pointe. Eddie Vedder ne s'en est pas remis. 
Mark Lanegan  a enregistré superbement "Man In A Long Black Coat " de Bob Dylan. A tel point que je ne sais pas si sa version n'est pas mieux finalement.
Un petit retour vers Bowie avec un "Space Oddity" bien spatial par William Shatner, un "Heroes" clamé haut et fort par Mötorhead, un très cool  "Changes" par Seu Jorge, sur Youtube, j'ai trouvé un "Quicksand" retravaillé par un amateur .
Et les reprises ultimes, à la fois improbables et finalement évidentes, celles qui surpassent toutes les autres, et qui nous ramène dans les années 50. Une magnifique leçon de  musique : les enregistrements par Johnny Cash de chansons récentes : "I See A Darkness", "Hurt", "The Mercy Seat", "Personal Jesus" parmi d'autres.

 
La plupart des morceaux  cités sont regroupés dans la playlist Covers Xsilence NicoTag sur Youtube :


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