Quand on aime la musique, arrive un moment
où on s'intéresse un peu à son histoire. On cherche des versions différentes de
nos morceaux préférés, des démos, des extraits de concerts, et des reprises. Ce
dont je suis fan.
La plupart des morceaux cités sont regroupés dans la playlist Covers
Xsilence NicoTag sur Youtube :
La reprise peut-être un hommage, un simple
exercice, un moyen de gagner sa vie, une parodie aussi, et tant d'autres
choses.
Donc j'ai eu envie de lire le livre d'Emmanuel
Chirache, Covers-Une Histoire De La Reprise Dans Le Rock,
écrit avec la collaboration d'Aurélien Noyer, publié par Le Mot Et Le
Reste, éditeur possédant un beau catalogue de livres sur la musique et les
musiciens.
Emmanuel Chirache
est journaliste, documentariste, rédacteur en chef du site Inside Rock.
Pour débuter le livre, comment Elvis
Presley s'appuie sur ce qui passe à la radio, c'est à dire de la country,
du blues, du gospel, etc. Des musiques jouées par des noirs ou des blancs,
rarement les deux ensembles. Le morceau d'Arthur Crudup, "That's
all right", repris par le jeune Elvis Presley cristallise toutes
ces musiques, lance le rock'n'roll à la face du public blanc, ses Sun
Sessions en sont le meilleur passeport.
En Angleterre, les fans de blues, de
rythm'n blues reprennent leurs idoles. C'est ce que font les Kinks,
cette fois-ci avec la voix de Dave Davies, en transformant "Milk
Cow Blues" en machine de guerre proto-punk.
La musique est une histoire d'échange,
d'aller-retour, comme le montre bien l'auteur. Fort logiquement, les musiciens
noirs reprennent à leur tour les blancs. C'est une consécration pour les Rolling
Stones de voir "Let'Spend The Night Together" repris par le plus
grand bluesman : Muddy Waters en 1968, alors que déjà en 1967 le
Roi de la soul, Otis Redding, leur avait donné une leçon avec
"Satisfaction". Je ne sais plus où, Mick Jagger a déclaré
qu'il ne jouait plus son morceau, mais qu'il reprenait la version sur-vitaminée
d'Otis Redding.
L'auteur est extrêmement critique à l'égard
des groupes des 60's, parfois injuste et approximatif, entre autres avec les Yardbirds,
les Pretty Things et les Kinks, qui s'ils ont beaucoup repris,
sont tout de mêmes à l'origine de la diversité du rock. Dans le même chapitre,
il réhabilite Bo Diddley qui le mérite bien.
Par contre, là où je suis d'accord avec lui
c'est au sujet des chanteurs et chanteuses français. Tous incapables d'écrire
un seul morceau, ils pilleront allègrement et sans scrupules les catalogues
américains et anglais. Les Kinks en feront les frais,"Dandy"
par Michèle Torr, sur le même Super 45T elle massacre "Sunshine
Superman" du gentil Donovan.
Notre électricien national non content, de
dépouiller Stax et Motown, enterrera une deuxième fois Buddy Holly sur "J'ai Joué Et Puis J'ai
Perdu" singeant "I Fought The Law", heureusement les Clash remettront les
pendules à l'heure quelques années plus tard.
Nos rockers assermentés, Johnny et Eddy,
en ont tellement fait qu'il est difficile de choisir, bien que quelques unes
tiennent la route. La palme revient cependant à la troisième patte du canard,
Dick Rivers, qui lui aussi a massacré les Kinks (pourquoi tant de haine
à l'égard frères Davies),"You Really Got Me" devenant
"La Seule Qui Me Tient", alors qu'il caricaturait déjà Johnny Cash.
Derrière les tocards yé-yé, Emmanuel
Chirache déniche quelques perles, des artistes moins connus reprenant les
morceaux délaissés par les Sheila, Sylvie Vartan et autres. Ronnie
Bird chante "Où va t-elle", une face B des Hollies, et
sera repris lui-même par Jad Wio, dont je n'ai jamais su quoi penser. Il
écrira même un titre pour Ray Charles, la classe ! Je connaissais
un peu Ronnie Bird, mais pas du tout Noël Deschamps qui malgré
son pseudonyme (oui, oui !) de chanteur de variétés enregistre "Te
Voilà", le "She's Not There" des Zombies ainsi qu'un
superbe "Bird Doggin'" de Gene Vincent, renommé "Pour Le
Pied".
Certains chanteurs des années 60 auront
droit à des hommages, plus tard, à partir des années 90, Adamo par
exemple, dans deux styles très différents, avec Arno bien sûr, et
surtout avec Brisa Roché, dont la superbe voix magnifie "Dans le
vert de ses yeux", titre assez confidentiel.
Après ce passage en Angleterre et en
France, on repart aux USA.
L'auteur fait un petit paragraphe sur ce
classique du rock'n'roll : "Louie Louie" qui n'est pas des Stooges,
pas plus que des Troggs, mais de Richard Berry., placé en face B
de son "You Are My Sunshine". D'après l'auteur il s'agit du titre le
plus repris au monde après "Yesterday". A elle seule, "Louie
Louie" mériterait une anthologie en plusieurs volumes. Parmi les plus
célèbres, intéressants, on trouve les Sonics, Blondie, Pinker
Tone, Clash, Ike & Tina Turner, etc. Et des quantités
d'inconnus qui rejouent le morceau à toutes les sauces : jazz, chorale, en
solo, fanfare, etc.
Après le rock'n'roll, on se dirige vers le
renouveau du folk et l'avènement de Bob Dylan, qui dès le début
reprendra de vieux titres plus ou moins connus ; lui même sera repris des
centaines, des milliers de fois, dont ce "Highway 61 Revisited" de Johnny
Winter que j'adore. Dylan a tellement repris qu'il existe des
compilations des originaux : Cover To Cover en deux volumes de
quatre disques chacun, soit environ deux cents titres, il y en a certainement
d'autres. A l'inverse, il existe un nombre incroyable d'albums d'hommages à Bob
Dylan.
Après avoir servi de tremplin au lancement
de nombreux groupes, la reprise devient à partir de 1967-1968, un prétexte à la
création. Pour illustrer ce nouvel aspect de notre sujet, il n'y a pas mieux
que Jimi Hendrix! Il s'est approprié tout ce qu'il a joué, "Hey
Joe" bien sûr, mais aussi "Tears Of Rage" de Dylan,
"Bleeding Heart" d'Elmore James, et beaucoup d'autres.
Un autre en 1962, avait opéré une
transformation phénoménale en enregistrant ce drôle de "Misirlou",
j'ai appris dans le livre que non seulement ce n'est pas un original mais qu'en
plus cette musique vient de loin, en effet Dick Dale a pioché dans ses
origines familiales libanaises où il a trouvé ce traditionnel
"Misirlou", dont le jeu sur une ou deux cordes a influencé son jeu de
guitare, comme quoi tous les chemins mènent au rock.
A partir des années 70, le statut de notre
sujet change. La création originale devient le mètre étalon et la reprise
devient plus anecdotique, plus opportuniste : pour continuer à occuper le
terrain en attendant un véritable nouvel album David Bowie sortira Pin
Ups, album de reprises dont "Where Have All Good Times" des Kinks.
L'auteur n'en parle pas, mais à cette
période on peut difficilement échapper au disco, et à ses travers, car le disco
pille, flingue, lui aussi des tubes avec Boney M ou Amanda Lear
par exemple. Le disco ose tout.
Emmanuel Chirache
s'intéresse peu aux années 80, ce qui est assez compréhensible, puisqu'à part
le rock indépendant, il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent. On
trouve un "Ziggy Stardust" par
Bauhaus, le classique soul "My Girl" transformé en morceau du Velvet Underground par
Jesus & Mary Chain, et cette autre merveille soul de Bill
Withers, "Lean On Me", par les Housemartins.
A partir des années 90, en même temps que
le revival 60's avec ses rééditions à tout va en CD, on voit fleurir des albums
hommage, des Tribute, parfois bien foutu comme ce "Helpless", parfois
moins.
Une expérience unique, en 1992, Wedding
Present sort un 45 t par mois, chaque face B est une reprise, parfois
surprenante mais pas plus que celle dont Gedge rêvait : lors d'une
Black Session il a déclaré à Bernard Lenoir vouloir reprendre
"Bad" de Michael Jackson, mais ne pas avoir réussi car trop
compliqué.
Après un focus sur l'album Unplugged
de Nirvana, que l'auteur aime beaucoup, on arrive directement aux années
2000. A propos de Nirvana, il faut citer "Smells Like Teen
Spirit" repris par Tori Amos, sur laquelle j'ai vu le groupe arriver en
dansant sur la scène du Zénith en 1992, même si ma reprise préférée est celle de Weird Al Yankovic, bien plus
vraie que nature !
Donc les années 2000, les stars
vieillissent, les groupes sont séparés depuis longtemps pour la plupart, la
nostalgie étant une occasion de se faire plaisir, ou une belle machine à fric,
on voit apparaître les Tribute Bands qui rejouent à la note près des morceaux,
voir des concerts entiers. Comme l'auteur j'ai du mal à saisir, car, pour la
majorité ces musiciens aussi bons soient-ils ne sont finalement que des acteurs
qui répètent un numéro en costume, tel Mötorheadache. Il y a des
exceptions, comme Dread Zeppelin, qui rejoue Led Zeppelin en
pseudo-reggae, ou Mini Kiss qui dépasse l'entendement !
Malgré tout, je me demande qui est le plus
ridicule entre le Tribute Band, et l'artiste qui inlassablement rejoue le même
set soir après soir au morceau près, au mot près entre les titres. Je ne
balance pas, mais ils sont nombreux et de tout âge.
Une nouveauté apparue dans cette
période-ci : les groupes qui réenregistrent leurs vieux albums. Le
meilleur que je connaisse est encore Wedding Present. En 2017, ils ont
ressortis George Best pour les trente ans de l'album, suivi en 2019 par Tommy
30, pour les trente ans également, dans les deux cas c'est franchement bon.
Rendez-vous en 2039 pour les cinquante ans de Tommy, à l'Ehpad.
Le livre se termine avec un chapitre
consacré à internet, et plus particulièrement à Youtube, où l'on trouve à peu
près tout. Peter Hook expliquant comment jouer "Ceremony", le
même titre par Radiohead, "24 Hours" par un groupe hollandais.
Joy Division toujours, "Love Will Tear Us Apart" joué par une
inconnue, ou dans un jardin par une fanfare, ou encore par Richard Buckner
que j'apprécie beaucoup.
Pour en terminer avec le livre, j'ai appris
quelques petites choses, mais je dois dire que les partis pris, les idées
arrêtées de l'auteur m'ont ennuyés, il frise parfois la mauvaise foi. Plusieurs
paragraphes sont contestables historiquement. J'ai du mal à savoir s'il
apprécie son sujet, tant il s'en moque et le dénigre. Peu de groupes ont grâce
à ses yeux, Nirvana, les Stones, et quelques autres.
Depuis la parution du livre il y a de
nouvelles choses à écrire, entre autres sur l'apparition de compilations avec
des titres dans ce genre : The songs they didn't write, The many faces of,
etc. Parfois de bonne qualité, pour les Smiths par exemple.
Ceci dit, je me suis bien amusé en lisant,
à rechercher dans mes disques et ma mémoire, sur Discogs et Youtube, pour
retrouver certains des morceaux figurant dans le texte, et surtout n'y figurant
pas.
En voici d'autres, rien d'exhaustif bien
sûr, juste un choix personnel.
D'abord, et parce que c'est une
déflagration, "Hound Dog". Big Mama Thornton n'en ai
pas l'auteure, mais la première interprète d'une liste longue comme le bras.
Un autre genre avec ce "Salut Les
Amoureux" de Miossec dont j'ai appris peu après qu'il s'agissait
d'une chanson de Joe Dassin, puis je l'ai découvert par Johnny Cash
qui n'en est pas l'auteur, car c'est Steve Goodman.
J'ai longtemps cru que "Tainted
Love" était écrit par Soft Cell, alors que non, Gloria Jones
est la première interprète. Idem pour " I Go To Sleep" des Pretenders,
le titre est bien plus ancien et a été chanté en premier par Peggy Lee en
1965, alors qu'en fait c'est une démo inédite à l'époque du plus grand groupe
des 60's : Les Kinks !"
David Bowie
sur Heathen reprend "I've been waiting for you", je suis sûr
qu'au départ il pensait reprendre les Pixies, alors qu'il s'agit d'un
titre de Neil Young écrit en 1968. Il aurait pu confondre aussi avec Dinosaur
Jr qui le jouent très bien. D'ailleurs J et sa bande ont
furieusement secoué le "Just Like Heaven" des Cure.
Pour rester avec Neil Young, en 2011
à Toronto, Pearl Jam joue pépère un "Rockin'in The Free World" quand
le parrain se pointe. Eddie Vedder ne s'en est pas remis.
Mark Lanegan a enregistré superbement "Man In A Long
Black Coat " de Bob Dylan. A tel point que je ne sais pas si sa
version n'est pas mieux finalement.
Un petit retour vers Bowie avec un
"Space Oddity" bien spatial par William Shatner, un
"Heroes" clamé haut et fort par Mötorhead, un très cool "Changes" par Seu Jorge, sur
Youtube, j'ai trouvé un "Quicksand" retravaillé par un amateur .
Et les reprises ultimes, à la fois improbables et finalement évidentes, celles qui surpassent toutes les autres, et qui nous ramène dans les années 50. Une magnifique leçon de musique : les enregistrements par Johnny Cash de chansons récentes : "I See A Darkness", "Hurt", "The Mercy Seat", "Personal Jesus" parmi d'autres.
Et les reprises ultimes, à la fois improbables et finalement évidentes, celles qui surpassent toutes les autres, et qui nous ramène dans les années 50. Une magnifique leçon de musique : les enregistrements par Johnny Cash de chansons récentes : "I See A Darkness", "Hurt", "The Mercy Seat", "Personal Jesus" parmi d'autres.
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